jeudi 11 juillet 2013

"Man of Steel" - ni pour ni contre... (5ème et dernière partie)


A visuel extrême, musique extrême donc. Extrêmement simpliste et extrêmement bruyante. Superman ne se trouve que rarement illustré par un thème musical rigoureux, mais bien souvent par des suites d'accords minimalistes et de brèves séries de notes organisées de façon à créer une véritable impression de vibration, de grondement et d'élévation. La musique de Man of Steel, c'est d'abord le coeur de Kal-El qui bat à 100 à l'heure, sa vitesse vertigineuse qui provoque des dépressions dans l'air et fait trembler la terre, la chaleur ensoleillée qui suinte de tous les plans, parfois sous forme de "lens flares" qui n'ont donné lieu, le plus souvent, qu'à des comparaisons fort mal venues avec le cinéma de J.J. Abrams (lequel a fait de ce genre d'effet l'une de ses petites signatures photographiques) alors qu'il suffisait de chercher dans les thèmes centraux du film lui-même ! Voilà pour la musique. Elle est d'abord tout cela... et aussi les montagnes de gravats résultant de tout ce que Superman risque de percuter sur son passage !
Zimmer affirme ici la parenté Jor-El / Kal-El en créant les motifs musicaux accompagnant le superhéros comme des variations solaires de ceux, plus empreints de fatalité, qui venaient se plaquer sur les pirouettes incroyables de Russell Crowe dans les paysages kryptoniens.
Mais contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, il n'y a pas grand chose de martial dans les percussions et les ascensions cuivrées de Zimmer, quand bien même elles se retrouvent parfois mêlées aux manières militaires du général Zod et de ses guerriers. Beaucoup plus martiale, en tout cas, était la marche composée par John Williams - qui pourtant ne soulignait pas cet aspect en priorité... Non, chez Zimmer il s'agit bien d'un flux énergétique constant et indestructible qui enfle de plus en plus sans jamais éclater - et finalement le rythme obsessionnel répété presque en boucle par les percussions, qui emporte les moments les plus fulgurants de la musique, tient moins de la fanfare belliqueuse que du très gaélique et festif Dark Moon, High Tide utilisé dans le Gangs of New York de Martin Scorsese.
A l'atmosphère proprement mythologique Kal-El/Jor-El, pleine de bruit et de fureur, s'oppose naturellement celle de la trinité Clark/Martha/Jonathan Kent. Le versant naturaliste pour lequel opte Snyder (on est parfois proche d'une esthétique contemplative à la Terrence Malick) inspire à Zimmer des tonalités tout aussi chaudes mais évidemment plus calmes, et surtout plus proche des racines terriennes (dans tous les sens du terme) du héros. S'il est un message à tirer de la destruction acharnée et systématique de Métropolis dans la dernière partie du film, c'est peut-être tout simplement celui d'un renoncement catégorique à la grande cité au profit de la campagne (même si Smallville n'en sort pas exactement indemne, mais on admettra que la simple omniprésence de la petite bourgade pendant toute la durée du film jusqu'à son dénouement parle d'elle-même). C'est en tout cas ce que semblent indiquer les préférences de Snyder, son manque d'intérêt assez net pour les personnages citadins de l'histoire, et c'est clairement ce que traduit Zimmer dans les morceaux les plus "humains" de sa partition. Sans aller jusqu'à rattraper complètement le folklore country ou la musique US contemporaine (l'injection assez inattendue de la chanson Seasons, interprétée par Chris Cornell, remplit parfaitement ce rôle à elle seule), le compositeur s'amuse à distiller du piano et de la pedal steel guitar au creux de nappes évanescentes qui commentent la caresse du vent sur les vêtements étendus dans le jardin, celle des rayons du soleil sur les ailes d'un papillon, celle de la main d'un père et d'une mère dans la chevelure de leur enfant, dans un climat qui n'est pas sans rappeler les morceaux les plus planants du Pink Floyd des seventies...


VII - "This... is... KRYPTOOOOON !!!"
L'une des erreurs les plus répandues depuis 300, à mon sens, est celle qui consiste à faire de Zack Snyder un cinéaste politique. Sans doute, il tend le bâton pour se faire battre. Néanmoins c'est-là une vision très limitée de son travail - vision dans laquelle on aurait d'ailleurs bien du mal à faire entrer Sucker Punch, peut-être son film le plus intime ; celui où il se dévoile le plus sous le pseudo-féminisme de façade qui dissimule (mal) une vision du monde totalement masculine.
Une volée de bois vert sur 300 nous a fait savoir, sans rougir, qu'il s'agissait là d'une vision raciste et patriotique de l'Amérique conquérante. Hum. Pas le moment de développer ça - encore faudrait-il que ça le mérite. Watchmen aurait du faire taire ce troupeau de moutons hostiles qui reproduisait à l'envi la même analyse boiteuse sans forcément la comprendre. Mais on a préféré dire, de la façon la plus arbitraire qui soit - et toujours sans rougir !! -, que le discours idéologique douteux de Snyder s'accordait avec celui du très controversé Frank Miller (auteur de la bande dessinée 300), et pas du tout avec l'humanisme cynique d'Alan Moore qu'il n'avait fait que recracher en le dévitalisant. Ne cherchez pas. Ca se "sentait"... Hum. On ne développera pas non plus - ou alors un autre jour, quand on en aura la patience...
Sans tourner autour du pot, contentons-nous d'observer que Snyder est un amoureux de comics et de mythologie, d'esthétique iconique et de lyrisme au premier degré. Il aspire à transformer chacun de ses sujets en mythe classique. Facile pour 300 : tout est dans le matériau original. Plus casse-gueule pour Watchmen : Snyder croyait tellement au tourment intérieur d'Adrian Veidt/Ozymandias qu'il en a complètement oublié de rendre le physique du personnage aussi lumineux que son âme était sombre... Man of Steel donne une nouvelle clé à la logique qui pave le chemin du cinéaste : le général Zod. Spartiate en puissance dans la nouvelle mythologie kryptonienne, noble de caractère, eugéniste, décomplexé dans sa violence, il est ni plus ni moins qu'un Léonidas de science-fiction.


Cette troublante parenté entre le premier héros snyderien (symbole, si l'on en croit les attaques les plus virulentes, de cette fameuse Amérique triomphante, raciste et patriotique) et le méchant de son dernier film a de quoi laisser rêveur...! Mêmes échelles de plan, même direction d'acteur outrancière, traitement voisin pour la caractérisation... Alors, que devient la brillante analyse anti-300 qui donne à voir le réalisateur comme un néo-fasciste en puissance ? Les frontières se brouillent. Et si - pour changer ! - les bien-pensants avaient tout simplement mal digéré que dans le péplum délirant qui a contribué à le révéler pour de bon, Zack Snyder se soit intéressé à un personnage pas forcément tout rose ? Qu'il ait fait l'effort de comprendre ce personnage et d'en exposer l'idéal et l'éventuelle beauté - comme il allait le faire ensuite pour chacun des personnage de Watchmen, aussi dissemblables soient-ils ? Et si le général Zod lui-même n'était pas qu'un "méchant" sans foi ni loi, mais un individu doté de sa propre morale, de ses propres idéaux et qui peut-être, simplement, se trompe...?
Il faut se rendre à l'évidence : un type comme Snyder raisonne bien au-delà de la simple idéologie de son époque. Ses obsessions sont individualistes. Ses personnages suivent des parcours intimes et expriment plus des combats personnels que des courants de pensée génériques, sur lesquels les spectateurs férus de géopolitique mais peu enclins à réfléchir sur une esthétique ou une philosophie particulières aiment bien se reposer. L'analogie Zod/Léonidas prouve avec panache que Snyder n'est pas plus pro-Léonidas que pro-Zod ; c'est précisément ça qui lui permet d'adapter des bandes dessinées aux idéologies si différentes, voire antagonistes, que 300 et Watchmen : cette capacité à filtrer le discours politique pour l'élever vers des humaines bien plus universelles et à l'épreuve de leur époque.
Il existe toutefois une lecture politique possible de Man of Steel, qui fera à nouveau le bonheur des détracteurs de Snyder. Sauf qu'elle est sans doute imputable au couple de scénaristes Nolan-Goyer, plus intéressés par ce genre de perspectives comme en témoignent leurs "Batman". Dans le contexte actuel, Man of Steel peut en effet opposer deux idéologies contraires dont les frictions ne cessent d'être montées en épingle dans l'actualité : d'un côté le libertarisme occidental incarné par l'Amérique profonde et la culture particulière du Kansas où grandit Clark Kent. Il rejoint les idéaux de Jor-El sur la liberté des êtres à se déterminer eux-mêmes et, éventuellement, à transcender le "programme" de leur existence. Il s'incarne dans la figure du Christ personnifié par Superman. De l'autre côté, s'oppose à cette vision l'eugénisme spartiate de Zod, dont le mix de références antiques et contemporaines illustre une certaine pensée orientale (asiatique surtout) qui vise à faire de chaque citoyen le rouage parfait d'une gigantesque mécanique nationale qui prévaut sur tout le reste : on aura reconnu la grande "menace fantôme" qu'inspirent actuellement aux cultures occidentales des pays comme la Chine ou la Corée.
On aura tôt fait de taxer le film de propagande ricaine sur cette simple base. C'est vendre bien vite la peau de l'ours si l'on songe que Snyder, toujours prompt à jouer le contre-pied, traitera certainement dans son prochain opus le splendide personnage de Lex Luthor... et lors ne s'attaquera plus aux limites de la liberté individuelle dans la culture asiatique, mais livrera forcément une critique du capitalisme proprement américain !


Voilà quelques unes des choses qui me trottent dans la tête depuis que je suis allé voir Man of Steel. Je n'en ai pas mentionné le quart, et tout cela est très "brouillon"... Tant pis. J'ai fait de mon mieux. Le film de Snyder est un peu ce que j'en ai dit. Mais bien entendu, ce n'est pas non plus que cela...

mardi 2 juillet 2013

"Man of Steel" - ni pour ni contre... (4ème partie)

(suite du post précédent...)

V - Jésus Christ Superman
Nombre de "critiques" professionnels ou dilettantes proclament à cor et à cri combien Man of Steel souffre d'une analogie christique balourde. On est habitué au phénomène : les termes "balourde", "outrancière", "exagérée", "facile", "grossière", etc. à propos d'une métaphore dans un film est tout bonnement le signe que le spectateur en question l'a repérée - et que, finalement peu sûr de lui et ne sachant qu'en faire, il éprouve le besoin d'asseoir sa supériorité intellectuelle vis-à-vis du dispositif en le dévalorisant. Pour faire court : heureusement que ladite métaphore était balourde, grossière, sans quoi il ne l'eût tout simplement par repérée. Ce qui ne l'eût pas empêché pour autant d'asséner sur l'oeuvre un avis tout aussi péremptoire.
Bref.


Les gens sont donc contents de briller en ayant relevé l'analogie de Kal-El avec le Jésus de la bible. En effet, la démarche est appuyée : le personnage a trente-trois ans ; il porte en lui le Saint-Esprit (appelé "codex", dans le jargon kryptonien) dont l'a investi son père Jor-El (Dieu, dont l'âme continue de lui apparaître, et qui le conseille dans l'adversité tel Obi-Wan dans les épisodes V et VI de Star Wars) ; une première crucifixion en eaux profondes au début du film (Clark, presque nu, porte la barbe et vient d'être propulsé par l'explosion d'une station de forage) en précède une seconde vers la fin (Kal-El, en costume de travail, flotte dans l'espace et s'apprête à livrer bataille) ; entre les deux, une entrevue avec un prêtre dans une église aura présidé à son "sacrifice" (se livrer de lui-même à l'armée américaine, en vue d'être remis au général Zod suite à son ultimatum). Avec Kevin Costner dans le rôle de Joseph, qui s'efface magiquement (au sens littéral !) dès lors qu'il a transmis l'essentiel de ses principes à son fils adoptif.
Cet aspect du traitement, souvent pointé du doigt comme un point essentiel dans la réécriture de Superman par Nolan et Goyer, est sans doute le moins innovant du film. Pour "balourde" qu'elle soit, on espère en effet que les spectateurs auront noté la même métaphore dans le Superman Returns de Bryan Singer, où le personnage "revenait" en effet d'une longue absence passée à se chercher lui-même (les quarante jours dans le désert) ; où la voix-off de Jor-El répétait explicitement - alors que Superman se tenait perché dans l'espace : "Pour cette raison entre toutes, leur capacité au bien, je leur ai envoyé mon fils unique" ; où Superman souffrait sa Passion lorsque les acolytes de Lex Luthor le rouaient de coup et que ce dernier lui perçait le flanc avec un éclat de kryptonite ; où l'on assistait à sa mort (crucifixion en sus) après avoir sauvé le monde, puis à sa résurrection finale (second sens, plus profond, au titre très stéréotypé du film)...


La comparaison, en l'occurrence, est intéressante : l'analogie christique était la raison d'être de Superman Returns. A la musique, John Ottman, qui avait pour mission de renouveler la donne tout en collant aux basques du grand John Williams, donnait à chaque action du héros un caractère religieux par l'emploi épisodique d'une chorale - avec des accents bien spécifiques (miracle, action de grâce, élégie...) selon la nature desdites actions. Loïs devenait la Marie-Madeleine à laquelle Kal-El devait renoncer pour s'accomplir, et les conclusions de Singer autour de la fonction du mythe et sa pérennité dans la société actuelle ne débouchaient jamais sur l'écueil souvent malheureux de la Foi pure et simple, mais exaltaient au contraire la responsabilité de l'être humain vis-à-vis de lui-même et de ses propres mythes - tour de force rarissime pour ce genre de conte hollywoodien ! Un film excessivement sous-estimé, et trop peu analysé de manière satisfaisante.
Man of Steel n'est pas un récit de superhéros, mais d'extraterrestre immigré. Les deux films se rejoignent dans l'idée d'un Superman ayant pour destinée d'apporter la Lumière aux humains. Pour le reste, rien de similaire. Le Superman/Jésus de Zack Snyder ne peut pas décemment porter la lumière au peuple : il la cherche encore lui-même. C'est par opposition à Zod - qu'il serait un peu hâtif d'assimiler au Diable, mais qui remplit au moins la même fonction sur ce point - que Kal-El a finalement l'opportunité de se définir. Et donc de mesurer ses faiblesses et la difficulté à bien agir en toute circonstance.


De façon plus élémentaire que Singer, Snyder fait le pari de l'identification pure et simple. En donnant à voir un Clark relativement imparfait mais aspirant à bien faire (tout comme son père adoptif Jonathan Kent - "Nous ne sommes pas tes vrais parents, mais on a essayé de faire de notre mieux."), le réalisateur aspire à présenter son héros comme un exemple accessible. Un individu faillible, pas toujours enclin au self-control. En réévaluant le mythe à la baisse, il prend le parti de tirer Superman vers l'homme. Il serait assez logique que la suite programmée de Man of Steel soit comme un ressac qui fonctionnera selon le mouvement opposé : tirer le spectateur vers Superman, et permettre ainsi à ce dernier de porter enfin la Lumière. Mais pour le moment, oui Clark peut perdre le contrôle comme tout un chacun et user de ses pouvoirs d'une façon contestable. Oui, il peut remettre l'armée américaine à sa place lorsque celle-ci le piste d'un peu trop près (on aura du mal à parler de propagande douce après cette scène très drôle qui vient presque conclure le film). Oui, poussé dans ses retranchements il peut être amené, dans un moment de rage ultime, à tuer un être de ses mains pour en épargner d'autres.
Aïe ! Les adeptes du politiquement correct n'aiment pas beaucoup que l'on traite au cinéma ce genre de cas extrême qui ramène l'humain à sa plus pure sauvagerie, dans lequel même eux seraient obligés de faire un choix paradoxal auquel toute leur morale ne pourrait apporter de solution. C'est l'un des créneaux du cinéma de genre. Mais Snyder n'a pas pour habitude d'y aller de mainmorte, et avec Superman ça ne marche pas comme avec John Rambo : l'Homme d'Acier est depuis longtemps le symbole de la bonté et de la candeur la plus absolue, et chacun des choix qu'on le voit faire au cinéma passe immédiatement pour une profession de foi morale du réalisateur. Il ne suffira pas de mettre en scène la mort de Zod comme un acte traumatisant - ce qu'elle est bel et bien -, même avec la meilleure intention du monde, pour que les contempteurs de cinoche américain commercial (mais qui continuent tout de même à en regarder autant !) y trouvent leur compte. C'est, en tout cas, ce qui transpire malheureusement de certains articles disponibles à la lecture.


VI - Le "son" de Kal-El
Les films de Zack Snyder n'ont à peu près jamais brillé par leur musique. A l'exception de l'excellent travail effectué par David Hirschfelder sur Legend of the Guardians : The Owls of Ga'Hoole, et des réadaptations de chansons dans Sucker Punch, le reste se contente bien souvent d'épouser la mode du moment avec une certaine fadeur. Mais comme chez John Woo, la mise en scène elle-même musicale de Snyder ne pâtit pas franchement de ces bandes originales anecdotiques. Au mieux c'est elle qui parvient à transcender la musique, au pire elle s'en affranchit tout à fait...
Hans Zimmer, pour un tas de raisons plus ou moins bonnes, est à la mode depuis fort longtemps auprès des studios hollywoodiens. Trop longtemps, à vrai dire, pour qu'il s'agisse encore d'une mode. Il rejoint Zack Snyder sur un point : son style massif divise le public. Jugé novateur par les uns, simpliste par les autres, son seul nom au générique d'un film peut faire jubiler à l'avance ses cohortes de fans, et peu s'en faut que ses nuées de détracteurs ne désertent les salles obscures sans autre motif que sa simple présence... Je n'exagère pas.
Son approche pour Man of Steel ne surprendra ni les uns ni les autres. Comme à son habitude, la partition de Zimmer se propose avant tout d'être une pulsation. La pulsation d'un personnage particulier, ou d'un mouvement de caméra précis. L'approche conceptuelle et la recherche d'un sous-texte mélodique qui complexifierait le travail de l'image sont d'emblée chassées au profit de la proximité maximale vis-à-vis des plans et de leur énergie intrinsèque. Le très grand intérêt de ce film - et sans doute de la collaboration avec ce cinéaste - pour quelqu'un comme Zimmer, c'est justement qu'il lui fournit sans aucun doute - et même de très très loin ! - le champ d'expression le plus pur et le plus titanesque pour la frange lyrique, massive et tonitruante de sa musique.


Le compositeur de Gladiator et d'Inception - ce que les uns comprennent et acceptent moins facilement que les autres - n'a généralement pas une conception de l'innovation musicale qui implique de nouvelles façons d'envisager l'harmonie ou la structure interne d'une bande originale dans un film. Zimmer travaille avant tout sur la texture du son, sur sa force de frappe immédiate, et occasionnellement sur le mélange des genres. C'est à ce niveau qu'il trouve son efficacité brute. Pour lui, expérimenter peut vouloir dire, très simplement, utiliser trois fois plus de cuivres qu'à l'accoutumée, où enregistrer dix batteries de percussions au lieu d'une - comme c'est le cas ici.
La rencontre Zimmer/Snyder/Superman est inespérée parce qu'elle réunit trois énergies non seulement débordantes, mais principalement focalisées sur la communication d'une onde de choc. Une philosophie de l'impact. Snyder divise depuis longtemps pour des raisons, tout compte fait, assez similaires à Zimmer : il multiplie la quantité de zombies dans le cadre comme Zimmer celle des batteries dans l'orchestre. Il rend irrespirables les scènes d'action de Sucker Punch comme Zimmer charge ses trames sonores de synthétiseurs ou d'ostinati qui n'ont jamais si bien porté leur nom !
Il y a au moins trois motifs sur lesquels Snyder bâtit visuellement son Kal-El : le soleil, la vitesse et (à moindre degré) la destruction. Il se sert de ces trois motifs pour donner de la puissance à ses images. Hans Zimmer, qui assume sans difficulté de magnifier avant tout ce qui se trouve déjà sur l'écran, ambitionne évidemment de faire converger sa musique au même point de lyrisme et de vitalité que la mise en scène de Snyder. On peut imaginer qu'il cherche des motifs communs sur lesquels s'appuyer...
Kal-El est un personnage surhumain et solaire - par opposition à Batman, nocturne et tourmenté, dont le compositeur avait tenté (entre autres) de reproduire l'aura oppressante par de grosses vagues sonores mimant le battement d'ailes de la chauve-souris, ou la dimension technologique de son univers par une constante rythmique accompagnant le moteur emballé de la batmobile. A présent, c'est la chaleur du soleil, la vélocité inouïe du personnage et son organisme indestructible qu'il va s'agir de retranscrire dans la partition...

(suite - et fin, il était temps - au prochain post...)

samedi 29 juin 2013

"Man of Steel" - ni pour ni contre... (3ème partie)

(suite du post précédent...)

IV - Esthétique de l'excès
Deux points problématiques, disais-je : celui de la mode du "director's cut" d'une part ; celui du point limite jusqu'auquel on peut pousser l'empilement des "séquences-catastrophe" d'autre part. Nous y voici.
Les blockbusters du moment affectionnent les superhéros. Je ne m'étendrai pas sur les raisons de cette mode (immenses succès commerciaux des Spider-Man de Sam Raimi et des "Batman" de Christopher Nolan, prise en compte du public geek comme source de revenus importante, possibilité de broder à tour de bras sur les mêmes recettes, terreau idéal pour mettre en valeur des effets spéciaux et des séquences d'action toujours plus impressionnants, etc). Il n'empêche qu'elle est aujourd'hui la plus représentative de cette escalade dans la surenchère visuelle qu'a toujours encouragé Hollywood.


Il se trouve que cette surenchère correspond assez bien aux façons de faire très excessives de Zack Snyder, qui n'a jamais donné dans le moyen terme : son remake de Dawn of the Dead se faisait fort de multiplier l'hémoglobine, de démultiplier les morts-vivants entourant le centre commercial, de rendre ces derniers plus rapides et agressifs que dans le film original... Son 300 poussait d'emblée ses ambitions pourtant balbutiantes au point de le rendre BEAUCOUP PLUS graphique, surréaliste et esthétisant que la bande dessinée de Miller dont il s'inspirait. Watchmen, loin de simplifier le travail d'Alan Moore, entendait rester dans ses pas jusqu'à assumer une narration très inhabituelle (qui ne s'est d'ailleurs pas avérée commercialement viable) pour ce genre de cinéma, à une époque où la méthode Marvel était à la simplification maximale des enjeux. Legend of the Gardians : The Owls of Ga'Hoole, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, est, jusque dans sa mise en scène, un remake de 300 (!) sous forme d'un film d'animation pour enfants qui envoie joyeusement bouler l'incontournable canon Disney. Et que dire de Sucker Punch, de ses mini-clips musicaux insérés dans la narration et de ses interminables scènes de combat, parfois en plans-séquences étirés bien au-delà du raisonnable !
Dans sa quête des limites tolérables, Snyder est ici encouragé par la dernière partie d'un script qui, sans le moindre complexe, fait la part belle aux destructions massives. Sur ce point, Man of Steel est donc bien le prolongement des expérimentations un peu folles de Sucker Punch. Avec, en guise de problématique, la question : "Jusqu'où peut-on aller ?" ; en guise d'aboutissement (question bien plus passionnante encore) : "Et que se passe-t-il lorsqu'on va plus loin ?" ; et, en guise d'exergue à épingler sur chacun des plans, la réflexion de Spielberg selon laquelle "C'est à vous [spectateurs] qu'il appartient de décider jusqu'où nous [cinéastes] sommes autorisés à pousser les limites de cette créativité [numérique]"...
Une frange conséquente du public visé par le blockbuster hollywoodien "en veut toujours plus". C'est un fait acquis. Or, évidemment, au fur et à mesure qu'on lui en donne plus, il en exige encore davantage - très (trop ?) vite lassé par la répétition pure et simple des figures. On aura inévitablement comparé le grand final de Man of Steel à celui du concurrent direct : Avengers de Joss Whedon, qui voyait plusieurs quartiers de New York voler en éclats pendant l'ultime bataille.



Ce rapprochement est très réducteur. Et c'est précisément sur ce point que s'affirme le courage rhétorique de Snyder. Avengers donne à voir, sans aspérité aucune, le spectacle fantasmé par les amateurs du genre. Man of Steel, au ton plus grave et à la mise en scène plus risquée, dépasse de cinq ou dix ans la mode en cours (disons-le tout net !) pour proposer un spectacle bien au-delà des limites tacites de son époque - donc, forcément, moins bien accepté. Il pousse délibérément le bouchon trop loin. A la destruction d'un silo répond l'anéantissement d'une station-service, qui précède l'écroulement de plusieurs immeubles, lequel mène à la dislocation d'un satellite, elle-même entraînant la pulvérisation d'un nouveau gratte-ciel, et cetera ad nauseam : en somme, on se rapproche d'un Michael Bay (que l'on dépasse même allègrement sur son propre terrain) dans un film dont le contrat de départ ne nous promettait tout de même pas forcément une telle débauche.
Les esprits chagrins, avides de comparaison qui n'ont pas lieu d'être, regretteront sans doute la force tranquille d'un Superman Returns, lequel donnait à voir la puissance de l'Homme d'Acier dans la simple extraction d'une formidable masse continentale hors de la surface terrestre, ou l'abstraction poétique du premier Superman qui traduisait la quasi-divinité du personnage par sa capacité à remonter littéralement le cours du temps. A ceux-là, on conseillera simplement de revoir jusqu'à plus soif les deux films en question. Aux autres, Snyder propose une nouvelle fois de risquer l'indigestion.
Parce qu'Avengers met en scène l'incontrôlable Hulk et une véritable armée d'invasion sans scrupules, il évince d'avance tout problème moral quand à la destruction de la cité et propose un tour de grand 8 confortable, où la mise en danger directe des citoyens n'est pas franchement abordée, le tout joliment filmé, emportant assez facilement tous les suffrages. Ici se borne ses prétentions. Parce que Man of Steel met en scène le protecteur le plus "clean" de la planète face à une armée beaucoup moins nombreuse composée de quelques guerriers kryptoniens, et qu'il se retrouve lui-même responsable de dégâts matériels considérables (et peut-être plus...), filmés de manière beaucoup plus immersive et moins chorégraphique (avec zoom, saccades, flous, décadrages et autres), le spectateur heurté se trouve dans une position de perplexité compréhensible. D'autant qu'Avengers multipliait les sous-intrigues au sein même de l'affrontement. En d'autres termes, il continuait scrupuleusement à scénariser l'anarchie comme dans un film d'action hong-kongais.
Rien de tel dans Man of Steel... Man of Steel lâche gentiment la main du spectateur et le laisse se débrouiller devant l'exhibition du chaos - à peine use-t-il du personnage de Perry White pour créer un semblant de tension dramatique post-11 septembre, par le biais d'un petit arc narratif directement emprunté au vieux genre du film-catastrophe, et très artificiel en l'état. Le temps de métrage dudit chaos étant, là encore, proprement inouï au regard des normes actuelles.



Un tel choix provoque à coup sûr plusieurs formes d'indignation : indignation des "dramaturges" qui se sentent pris pour des billes au milieu d'un catalogue pyrotechnique qu'on leur déplie sans logique ; indignation du public formaté qui ne manque pas de clamer sa supériorité sur le film en notant que "ça fait un peu trop !" (gardons toujours à l'esprit les propos de Spielberg...) ; indignation des prédicants pour qui "le travelling est une affaire de morale" (mais qui, on l'espère pour eux, n'en sont plus là après deux heures de film !) ; indignation, enfin, des fans de Superman scandalisés par la relative contre-performance de leur héros !
Aux premiers, j'opposerai constamment l'idée que le scénario - et par extension le cinéma - est un matériau souple ! Que les règles, narratologiques ou autres, deviennent stériles (voire dangereuses) dès lors qu'on les veut immuables ! Et qu'on y perd toujours à juger le film hypothétique qui était à faire, plutôt qu'à tenter de comprendre le film bien réel qu'on a sous les yeux.
Aux deuxièmes, sur la même fréquence radio, je répondrai qu'ils ont parfaitement raison, mais que dans une oeuvre d'art le "un peu trop" n'est jamais une erreur : il ne s'agit pas de quantifier des denrées ingurgitées ou le prix d'une marchandise. Que le "un peu trop",voire le "beaucoup trop", a toujours une raison d'être, ne serait-ce que par son caractère d'exception qui produit inévitablement du sens. Qu'il est bon de s'interroger sur le "un peu trop". Regrettable de le rejeter en bloc. Enfin, que pour faire honneur à la phrase de Spielberg citée plus haut, il me semble plus pertinent de réfléchir sur les limites de la norme que sur celles, transgressives par définition, de la marge. Man of Steel, qui passe pour adhérer à la norme, me semble plutôt, en vertu de tout ce dont je rends compte ici, confiner à la marge !
Aux troisièmes, je dirai une fois pour toutes que la banalisation de la violence, le soi-disant danger sur les consciences qu'entraîne une vision d'apocalypse trop aseptisée (des gravats, des morts... et pas de sang !) n'est valable que dans un contexte totalement décomplexé de tout questionnement - ce qui n'est certainement pas le cas ici ! De même qu'une véritable vision fascisante de la justice ne se trouve pas, en dépit de toutes les sottises qui ont pu être dites, chez Clint Eastwood ou Charles Bronson : lorsqu'on entend véhiculer une idéologie douteuse, on la fait passer dans du sucre. On montre le cow-boy tuer l'indien maléfique avec un grand sourire aux lèvres, et rejoindre l'héroïne conquise d'avance. Eastwood, Bronson, Stallone, du moins les films à la triste réputation dans lesquels ils ont pu apparaître, n'ont jamais fui la complexité de la violence. Ils ne s'en débarrassent pas. Ils n'en nient pas le phénomène d'escalade. Ils SONT extrêmement violents ! C'est la marque même de leur bonne foi ! De même, l'Homme d'Acier ne brise pas le coup du général Zod dans un élan victorieux, mais sous l'effet d'un dérapage qui lui fait perdre ses moyens et choisir sommairement une victime plutôt qu'une autre : second grand traumatisme de son existence, après la mort quasi biblique de son père adoptif sous ses propres yeux.
Ce qui m'amène à répondre enfin aux quatrièmes : le Superman de vos fantasmes est un idéal. C'est celui dont parle le "fantôme" de Jor-El et qui doit être un exemple, amenant l'humanité à "le rejoindre dans le Soleil"... Le Superman que vous voyez à l'écran n'est pas encore cet idéal : son parcours débute. Tardivement, il se révèle à lui-même et ne cesse de trébucher en tentant d'atteindre ce qui est un idéal pour lui-même avant de l'être pour quiconque. Déjà dans Superman Returns, la façon dont Clark abîmait la photo de famille de Loïs, ou se servait de ses pouvoirs pour l'espionner chez elle, avait fait bondir les fans hardcore, qui supportaient mal de voir leur héros s'affranchir d'un partie de sa morale. Dans Man of Steel, Clark démolit un poids lourd parce que son conducteur l'a trop asticoté. Il ravage Smallville en traînant Zod sur des kilomètres comme un gamin énervé parce que ce dernier a osé menacer sa mère. Et il fait bien plus encore, occasionnant toujours d'immenses dégâts... et finissant par tuer son ennemi de ses propres mains. Hero in progress ! C'est moins sur ces écarts problématiques, à la mesure du personnage lui-même, que devraient se concentrer les pacifistes pro-Kal-El, que sur sa réaction immédiate après la mort de Zod. Les écarts, c'est aussi de cela que parle le film : "Superman Begins" avoué et nécessaire.



On pourrait en terminer sur ce point en rappelant qu'il y a peut-être quatre ans (sans doute pour la sortie de Watchmen), Zack Snyder interviewé pour le journal Mad Movies avait déclaré en substance que s'il devait réaliser une version de Superman (le projet Man of Steel n'était pas encore né), il lui paraissait important de montrer que, s'il le voulait, le personnage avait entre ses mains le pouvoir de détruire la Terre - idée fascinante et franchement effrayante à la fois. Quelques années plus tard on croyait cette thématique enterrée, du moment que Snyder se retrouvait un peu les mains liées : technicien à la solde d'un scénario pré-écrit par David S. Goyer dans un projet supervisé par Christopher Nolan auréolé de ses derniers succès. Eh bien, contre toute attente, on concédera au réalisateur d'être largement parvenu à injecter ses propres préoccupations dans un script qui ne les appelait pas de manière évidente. On appelle ça un auteur.
C'est peut-être aussi de ce côté qu'il faut aller chercher le sens du dernier acte exubérant de Man of Steel, premier du nom : Kal-El ne s'est pas complètement trouvé. Nul doute que Clark, journaliste au Daily Planet, l'y aidera ! C'est en tout cas ce que suggère le générique de fin composé par Hans Zimmer, qui commence sur le motif musical de l'Homme d'Acier et fait déborder toute sa fougue tonitruante... pour retrouver finalement le petit thème au piano dédié au jeune Clark. L'être humain est imparfait : c'est à la part humaine de Superman que le film n'a de cesse de nous ramener.


(suite au prochain post...)

mardi 25 juin 2013

"Man of Steel" - ni pour ni contre... (2ème partie)

(suite du post précédent...)

III - Un script elliptique
...ou de l'attrait exercé d'avance par un hypothétique "director's cut".
Elliptique, c'est peu dire. Allant droit au but, plaideront les adeptes. Rédigé à la truelle, objecteront les détracteurs. L'humeur des uns et des autres diffère, mais l'idée est bien la même : nombre de spectateurs auront ressenti, pour le meilleur ou pour le pire, ce côté "abrégé" dans le déroulement de l'intrigue. Pour un film qui accuse une durée de 143 minutes, le constat n'est pas banal ! En fait, il serait plus exact de parler d'un déséquilibre dans l'agencement des différents actes (le mot "déséquilibre" n'étant pas forcément péjoratif dans mon esprit) : le prologue sur Krypton rejoint le début du Superman de Richard Donner, troquant une forme pour une autre. Mais là où ce dernier optait ensuite pour une narration chronologique (retardant d'autant l'entrée en scène effective de l'Homme d'Acier), le trio Nolan/Goyer/Snyder décide d'accélérer la manoeuvre en présentant tout de go Kal-El dans sa trente-troisième année, alors qu'il s'apprête à accomplir sa fantastique destinée.


De fait, l'enfance de l'extraterrestre élevé par le farmer Jonathan Kent et son épouse se résume à quelques flashs-back explicatifs disséminés aux quatre coins d'une intrigue principale fondée sur les chassés-croisés de Clark (en quête de ses origines) et Loïs (en quête de Clark lui-même). Il en résulte que les trois ou quatre souvenirs d'enfance donnent peu de grain à moudre sur la jeunesse à Smallville, et que la plupart des personnages contemporains sont à peine esquissés (le général Swanwick ; le colonel Hardy ; Perry White, patron du Daily Planet et ses employés...) jusqu'au retour inopiné du général kryptonien Zod qui, après une courte respiration sans heurts, donne le coup d'envoi à quarante-cinq minutes (peut-être plus, je n'ai pas les yeux rivés à ma montre quand je regarde un film...) de destruction massive sans temps morts ! Sur le papier, cette dernière partie devait effectivement ressembler à un long descriptif du nombre de salves tirées, du nombre de bâtiments défoncés, d'explosions spectaculaires et de coups échangés.
Cette étrange symphonie, moins surprenante par l'enchaînement abrupt de ses mouvements que par leur timing très inhabituel, donne à réfléchir au moins sur deux choses. D'abord sur le point limite jusqu'auquel on peut pousser les temps de pause, les ruptures de rythme ou l'empilement inlassable de "séquences-catastrophe" au cinéma. Ensuite sur la mode désormais bien intégrée du fameux "director's cut" commercialisé après coup en dvd/blu-ray.
 


Sur ce dernier point, Zack Snyder est devenu coutumier du fait depuis son adaptation très ambitieuse de Watchmen, le chef d'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons, difficile à imposer dans une version qui eût tout à fait collé au développement du scénario imaginé par Moore. C'est donc un film de 162 minutes qui sort en salles. Et après un premier director's cut en dvd/blu-ray, c'est finalement un montage "ultimate cut" rallongé de 53 minutes (soit 3h35 au total) qui sera commercialisé quelques temps après. Plus récemment, le très personnel Sucker Punch passe de 110 à 127 minutes dans la version souhaitée par son réalisateur.
Idem, sans l'ombre d'un doute, pour "Man of Steel" ! disent les habitués de Snyder et tous ceux qui, depuis longtemps, ne sont plus dupes des stratégies commerciales hollywoodiennes. D'autant que l'extrême confusion avec laquelle on peut sortir de ce film semble venir autant - sinon plus - des choix de montage que du scénario en lui-même. Pour un détail, de loin en loin, qui peut faire penser à une petite maladresse d'écriture, il en arrive souvent deux ou trois autres qui semblent s'expliquer assez clairement par le fait que les auteurs ont taillé dans le gras au moment de réduire une durée de métrage jugée excessive. Seulement voilà : si l'on adhère à cette logique, alors l'idée du film comme oeuvre conçue AVANT TOUT pour être vue en SALLE (espace où le spectacle est forcément le plus immersif, sauf exception), cette idée, donc, en prend un sacré coup dans les dents... Faut-il comprendre que la salle de cinéma n'est plus qu'un lieu de diffusion où l'on va désormais consulter de longs trailers, tout juste susceptibles de donner une idée de la version complète à venir, mais impropres à une vraie réflexion parce qu'encore amputés de quinze ou trente minutes - et peut-être même pas montés tout à fait dans le bon ordre...? La question peut sembler exagérée. Mais dans le cas de Man of Steel, il se trouve qu'elle paraît très légitime.


"Long trailer", "longue bande-annonce", sont des termes que l'on a pu lire dans pas mal de commentaires à l'endroit du film de Snyder. Et ces termes ne sont pas idiots, ni abusifs. Loin de là. Une bande-annonce ne présente pas les événements du film dans leur chronologie : elle produit au contraire de faux liens de cause à effet par association d'idées. La bande-annonce d'un blockbuster, en particulier, a pour but d'allécher le spectateur potentiel en lui offrant un florilège des séquences les plus impressionnants qui lui seront proposées. Or, nous l'avons dit, Man of Steel propose un récit non-chronologique dont le perpétuel va-et-vient entre passé et présent a pour effet immédiat de perdre le spectateur dans une vision très fragmentaire de toutes les informations qui lui sont données. Un récit qui débute par un morceau de bravoure à la narration expéditive, et qui sème quelques incendies, catastrophes naturelles ou combats contre des robots au gré d'éléments de narration fort disparates. C'est pourtant lorsque cesse définitivement ce va-et-vient que l'impression de voir une bande-annonce géante atteint son paroxysme : dans le dernier acte où s'estompent de plus en plus les enjeux narratifs pour faire place nette au seul mouvement des corps frénétiques dans un espace toujours changeant, en perpétuelle reconstruction topographique.
Je n'ai que très rarement éprouvé - qui plus est dans une oeuvre aussi brillante sur le plan stylistique - cette impression de tourner les pages d'un album-photo de plus en plus vite, jusqu'à ce que la logique m'en échappe complètement, et toujours plus vite, jusqu'à ce qu'elles finissent toutes par se déchirer sous mes doigts.
La très probable version longue à venir pourra produire beaucoup d'effets très dissemblables, voire antagonistes - quelles qu'en soient les images déjà tournées. Encore une fois le bonheur des uns fera le malheur des autres. J'ai lu des commentaires qui déploraient le passage brutal d'un crash de vaisseau spatial contenant le bébé Kal-El, directement raccordé au tangage d'un navire sur lequel vogue un Clark déjà adulte. "Quid des parents Kent ?" - "Et la découverte du vaisseau ?" - "Wow, même pas un résumé rapide de son enfance ?"
Pour ma part, je ne voudrais pas que Snyder touche à ce raccord. Il est, pour moi, l'une des plus belles idées du film. Il est le descendant direct de l'un des plus fameux effets de montage de l'histoire du cinéma : celui qui transforme l'os d'un animal jeté en l'air à l'époque préhistorique... en une station orbitale tournoyant dans l'espace, au début du 2001, A Space Odyssey de Stanley Kubrick.

[JE LAISSE ICI QUELQUES SECONDES AUX ESPRITS CYNIQUES POUR ME PRENDRE DE HAUT, RICANER BÊTEMENT, ME JUGER EN SILENCE, TROUVER RIDICULE ET PITOYABLE D'OSER UNE COMPARAISON ENTRE LE DIVERTISSEMENT "POP-CORN" DE SNYDER ET LE CHEF D'OEUUUUUUUUUVRE INDEPASSABLE DE KUBRICK... ET CHOISIR RAPIDEMENT ENTRE VIDER LES LIEUX OU ABANDONNER LEURS PREJUGES NAIFS SUR LE CINEMA D'AUTEUR...]


[C'EST BON...? MICHEL CIMENT ET CONSORTS SONT SORTIS ? PARFAIT, JE REPRENDS DONC...] Car si la trouvaille de L'Odyssée de l'Espace tenait sur le gigantesque bond de plusieurs millénaires qu'il nous imposait le temps d'un battement de cil, sa reprise dans Man of Steel prend justement appui sur la leçon kubrickienne (très consciemment, à mon humble avis) pour retourner le motif comme un gant et créer un paradoxe : en effet, trente-trois ans seulement se sont écoulés le temps de ce raccord, mais là où dans 2001 la "logique chronologique" nous faisait passer d'une terre soudainement troublée par la présence d'un élément extra-terrestre (le monolithe noir) à la science-fiction la plus totale, dans Man of Steel c'est l'inverse qui se produit : l'univers de science-fiction hi-tech est un vestige du passé. Le bond dans le temps enveloppe ici une régression à un stade plus archaïque (l'époque contemporaine, tout de même...), sur une terre que la présence intempestive de Kal-El, élément extra-terrestre, va profondément perturber...
Est-ce étonnant que Snyder "cite" Kubrick à rebours ? Et Nolan, renierait-il cet héritage ? Refuser le parallèle entre ces deux auteurs relativement jeunes (qui abordent ici la science-fiction de plein fouet pour la première fois) et la figure tutélaire du patriarche Kubrick, ce serait d'une part faire table rase de la véritable obsession - le mot en est presque faible ! - qu'ont nourri trois illustres cinéastes plus âgés (eux-mêmes férus de science-fiction et dont l'influence fut pour le moins considérable) pour le même Kubrick : j'ai nommé George Lucas, James Cameron et Ridley Scott. Il serait bien trop long d'exposer maintenant tout ce que leurs cinémas respectifs doivent au réalisateur de Barry Lindon. Je me propose de le faire un de ces jours, ici même. Toujours est-il que l'évolution de certaines traditions esthétiques et thématiques passe par des jeux de miroir souvent très hasardeux en surface et très significatifs en profondeur. Contre toute attente, c'est dans cette tradition aussi que se place Snyder avec sa nouvelle version de Superman (mais est-ce vraiment surprenant, lorsqu'on songe aux visuels ultra-kubrickiens de la Krypton filmée par Richard Donner trente-cinq ans plus tôt...?).
D'autre part, refuser le parallèle avec Kubrick serait comme balayer d'un revers de la main nombre de similitudes qui crèveraient les yeux de tous, si le décorum général ne contrariait pas la superposition : quid d'un bébé voyageant dans l'espace vers la Terre au début de Man of Steel... et à la fin de 2001, A Space Odyssey ? Un bébé qui, dans les deux cas, porte en lui d'une manière ou d'une autre l'avenir d'une espèce et d'une planète entière - voire davantage ? Quid de cette "régression" dont je viens de toucher deux mots, assumée dès le début de Man of Steel... et que l'on retrouve à la fin de 2001 avec le vieillissement de son personnage jusqu'à un retour au stade foetal - ce qui donne à voir la fin du film comme un nouveau et éternel re-commencement ?
Et quid du raccord brutal qui transforme ici un os en vaisseau spatial, là un vaisseau spatial en chalutier, convoquant immédiatement la filiation, la parenté des deux expériences, et que je ne voudrais voir remonté pour rien au monde, même au prix de nouvelles séquences mettant en scène Diane Lane et Kevin Costner dans leur ferme du Kansas !... 


Bref : malgré le pari tenu d'une sévère décharge d'adrénaline sur presque deux heures et demie, Man of Steel restera, jusqu'au jour de sa réédition en version longue, un objet de fantasme toujours intact. Parce que ce sentiment d'avoir assisté à la première ébauche enthousiaste et déjantée d'un film plus maturé qui reste encore à faire, est peut-être voué à laisser le public sur une relative indécision, plutôt que lui-même contaminé par cet enthousiasme...

(suite au prochain post - suspense insoutenable, tout ça...)

lundi 24 juin 2013

"Man of Steel" - ni pour ni contre... (1ère partie)

Depuis mercredi dernier, l'ouragan annoncé Man of Steel suscite pas mal de commentaires - tous plus prévisibles les uns que les autres - de la part de nombreux spectateurs.


Les uns détestent Christopher Nolan (producteur et co-scénariste), les autres vomissent Zack Snyder (réalisateur qui, sans s'y employer particulièrement, divise violemment le public depuis son mémorable 300).
Les uns aiment les deux bonshommes et rejoignirent la salle de cinéma en toute confiance. Les autres sont hermétiques à Nolan comme à Snyder... mais sont tout de même montés joyeusement à l'assaut de leur film commun - on appellera ça de l'ouverture d'esprit...
Les uns bandaient pour l'Homme d'Acier ; les autres n'en avaient que foutre.
Les uns sont incollables sur les héros estampillés "DC Comics" ; les autres s'en battent royalement les steaks et n'ont jamais ouvert une bande dessinée de leur vie...
Il y a les aficionados de Richard Donner et Christopher Reeve (qui avaient canonisé Superman pour la première fois sur grand écran en 1978). On passera sur les amateurs - si peu nombreux - des Superman II, III et IV. On passera sur ceux - trop rares également ! - du plus récent Superman Returns réalisé par le courageux Bryan Singer. En revanche, il y a également ceux qui trouvaient (ou qui ont fini par trouver) ridicules les collants bleus et le slip rouge portés par Chris Reeve - à tel point que leurs couleurs criardes en sont venu à masquer aux yeux de ces tristes sires toutes les plus belles séquences d'un film pourtant génial.


Il y a les passéistes qui ne se lassent pas de baver sur la mode actuelle, et dans le coin opposé les amateurs d'une C.G.I. toujours plus bluffante au fil des ans.

Si vous commencez à trouver que la liste est longue, je veux bien m'arrêter. Mais les paramètres sont multiples et, dans une configuration où internet permet à chacun de s'exprimer en public, il est bon d'identifier assez rapidement à qui l'on a affaire, avant de pouvoir se forger une opinion... sur les opinions qui circulent ! La plupart des critiques PROFESSIONNELS n'étant toujours pas foutus de renseigner leur lectorat sur les films qu'ils chroniquent plutôt que sur eux-mêmes et leur propre background, on aurait mauvaise grâce à prier le quidam moyen de faire mieux qu'eux ! Il n'a que peu de bons exemples auxquels s'identifier de ce côté-là...

Man of Steel pose un nombre de questions invraisemblables. Je n'ambitionne pas de toutes les répertorier - encore faudrait-il qu'elles m'eussent toutes sauté aux yeux. Je n'aurai pas non plus le temps d'en développer quelques-unes ici autant que je le voudrais faire. Il sera toujours temps d'y revenir.
Je ne vais pas tenter d'expliquer pourquoi j'ai aimé ou détesté le film de Snyder. Mon humeur est franchement secondaire - comme la vôtre. Je vais plutôt tenter d'expliquer pourquoi il me semble difficile d'y rester indifférent.
Et pour ne pas cultiver l'équivoque, je fais tout de suite cadeau de mon profil de spectateur en quelques mots : Nolan me les brise. Snyder me fascine. Le personnage de Superman, son univers et sa bande dessinée ne m'intéressent pas. Je pense que les films de Richard Donner et Bryan Singer sont des chefs d'oeuvre.
Allons-y...


I - Krypton
Le prologue du film sur la planète d'origine de Kal-El a fait couler pas mal d'encre virtuel. La plupart des internautes, c'est remarquable, évoquent cette introduction sous l'angle unique des influences esthétiques - ce qui n'est pas idiot puisqu'il s'agit de la partie proprement "S.F." du film. Tout le monde y va de sa propre culture : beaucoup pensent logiquement au Avatar de James Cameron. Certains connaisseurs font référence à des aventures de Superman qui présentent une Krypton similaire dans des bandes dessinées que je n'ai jamais lues. Les puristes s'indignent d'une planète aux relents archaïques, arguant qu'elle devrait respirer la technologie de pointe dans les moindres détails.
De mon côté, j'y ai surtout trouvé un prolongement des derniers Star Wars de George Lucas - L'Attaque des Clones en tête - comme si Snyder avait opéré la synthèse, ramassée sur une quinzaine de minutes, des fameux montages alternés propres à Lucas opposant nature primitive et technologie de pointe avec d'un côté les planètes visitées par Anakin Skywalker (ici les extérieurs de Krypton avec leurs couleurs chaudes, la frénésie sauvage des batailles et la puissance tellurique qui s'en dégage), de l'autre les vaisseaux spatiaux des Cloneurs ou de la Guilde du Commerce (ici les intérieurs cliniques, froids, aseptisés où se déplace Jor-El/Russell Crowe à la merci du danger imminent). Le tout passé au crible des Chroniques de Riddick pour le traitement des couleurs et le design des armures. Du reste, si l'on admet ce dernier film comme un étonnant croisement hybride entre Star Wars et Conan le Barbare, alors on peut imaginer quel instinct a pu poussé Snyder (grand admirateur de Lucas et de John Milius) à arpenter les mêmes plates-bandes que David Twohy et Vin Diesel.


II - Loïs Lane
Même en faisant abstraction des précédentes versions cinématographiques, il semblerait que Superman ne puisse décidément pas se passer de Loïs Lane. Ce phénomène est peut-être moins dû aux bandes dessinées qu'aux deux séries télévisées Loïs & Clark et Smallville, lesquelles ont définitivement placé la journaliste du Daily Planet en première ligne des ingrédients indispensables. Pas de kryptonite dans Man of Steel, donc, pas de Lex Luthor ni de slip rouge ni de faits divers en série résolus dans l'agglomération de Métropolis par le superhéros qu'on ne nomme d'ailleurs pas encore... mais, tout de même, Amy Adams (déjà au casting de Smallville dans un autre rôle) qui campe la reporter casse-cou. D'aucuns auront jugé sa présence artificielle, trop vite débarquée dans une intrigue génésiaque qui se serait volontiers passée de sa présence. Mais surtout, nombreux sont ceux qui n'auront pas pardonné l'entorse absolue aux canons de la mythologie de l'Homme d'Acier : alors qu'ils ne sont pas encore collègues au journal, Loïs sait déjà tout à propos de la double-identité de Clark Kent - son propre parcours dans le film visant précisément à percer à jour le personnage de Kal-El.
On n'a pas assez parlé, il me semble, des autres protagonistes féminins du film. Snyder a ceci de commun avec son mentor John Milius que, malgré un univers personnel d'apparence très masculine (The Wind and the Lion, Red Dawn et Conan the Barbarian d'un côté ; 300, Watchmen et Sucker Punch de l'autre - pour ne citer que ceux-là), il n'en génère pas moins une magnifique - et tout aussi personnelle - galerie de personnages féminins. Dans son Man of Steel, Loïs Lane (femme énergique et dominatrice par tradition) fait bien pâle figure si on la compare aux trois déesses taillées dans le marbre que sont Lara (Ayelet Zurer), Martha Kent (Diane Lane) - soit les deux mamans de Kal-El/Clark - et la guerrière Faora-Ul (Antje Traue), sbire et supposément compagne du général Zod. Dans la noblesse stoïque qui se dégage de ces trois femmes, dans leur propension à ne pas fléchir lorsqu'il s'agit de défendre les valeurs auxquelles elles croient, on retrouve sans peine la reine Gorgo de 300 (Lena Headey), le tandem complémentaire Sweet Pea/Babydoll de Sucker Punch (Abbie Cornish/Emily Browning) et la Ana du remake de Dawn of the Dead (Sarah Polley). Est-ce à dire que le personnage de Loïs Lane a subi une réécriture au rabais par rapport aux précédentes versions qui en furent proposées ? Non. Loïs est plus têtue et débrouillarde que jamais. Mais sous la gigantesque ombre portée de ces "femmes idéales" monolithiques, infiniment plus snyderiennes, il est permis de penser qu'en dépit de son statut d'héroïne, c'est à elle que le réalisateur, assez curieusement, s'intéresse le moins. Trop humaine pour le gigantisme épique dans lequel ce dernier tend généralement à s'épanouir, Loïs Lane est le personnage "nolanien" du film.
Quant à cette connaissance très précoce de l'identité de Clark/Superman que lui ont très librement donnée les scénaristes... on peut comprendre l'effarement des fanboys si l'on réfléchit aux nombreuses possibilités narratives que cette option verrouille définitivement pour les films à venir. D'un autre côté, admettons que pour avoir obtenu, grâce à cette bizarrerie, les quelques secondes de complicité dans l'échange de regards qui accompagne l'ultime "Welcome to the Planet !" de la journaliste et achève le film... Christopher Nolan, David S. Goyer et Zack Snyder peuvent être largement pardonnés d'avoir jeté aux orties l'un des rouages des plus importants du canevas original !


(suite au prochain post...)

dimanche 23 juin 2013

Birth of a Penguin...

L'envie d'ouvrir un blog a fini par s'imposer à force de naviguer sur un réseau social très fréquenté et d'y lire très régulièrement des statuts (ou commentaires de statuts) qui me semblaient nécessiter des discussions poussées. Des discussions aux développements bien trop longs pour le support qui en proposait l'émergence.
On se doute bien que si elles dépassent 3 ou 4 lignes, plus personne ne prend le temps de lire ces réponses aux réponses des réponses à des réponses... Pas sur Facebook, en tout cas. Ce réseau reste pourtant l'occasion, même avortée, de jolis échanges passionnés. C'est pourquoi j'y traîne autant. Je réfléchis beaucoup en parcourant les "murs" de facebook...
Mais le dialogue y est plus que limité, c'est un fait. Toutes les frustrations causées par ces petits avortements, il ne me semblait pas inutile de les décharger quelque part. En un lieu où les réflexions qu'elles m'inspirent puissent être lisibles par tous. C'est la première envie qui préside à ce blog.
Et puis dès lors qu'on crée un espace d'expression pour soi-même, la tentation arrive très vite - j'imagine - de parler d'un tas d'autres choses imprévues. De transformer cet espace en un journal de bord, en un agenda de la conscience, en un jardin littéraire, en un défouloir égotiste, et que sais-je encore...
Celui-ci ressemblera sans doute un peu à tout cela. Un petit monstre bâtard. Sans doute pas très avenant. Mais dont le coeur battra fort. On y parlera certainement de cinéma, de livres, de musique. Parce que je pourrais difficilement faire abstraction de mes principales obsessions dans la vie. De critique, sans doute. De philosophie, peut-être. De moi, évidemment. Seulement et uniquement, parce que mon blog n'est évidemment pas une démocratie - mais tout le monde est habitué à ça...
Je ne m'impose aucun rythme dans les publications : même ici, il ne me semble pas souhaitable de parler pour ne rien dire.
Il n'est pas certain que beaucoup de monde vienne me lire dans ce recoin caché de la grande toile. Tant mieux, sans doute. Mais peut-être que si. Tant pis, alors. Je n'irai pas m'en plaindre non plus, évidemment.
Aux éventuels visiteurs, toutefois : si vous n'aimez déjà pas le ton, ni le titre, ni les points de suspension, alors n'allez pas plus loin : vous perdrez votre temps.
Aux autres - si jamais ils existent et aussi peu nombreux soient-ils : merci pour chaque seconde que vous passerez à parcourir ces lignes sans vous demander pourquoi vous êtes là ! On devrait toujours remercier les gens qui nous écoutent gratuitement...

PS : Je ne me relirai pas non plus. Jamais. J'ai autre chose à foutre. Mais je m'en excuse d'avance (auprès de moi, au moins).